Décembre 2017
Le programme de sécurisation mécanique vient de s’achever. Les délais, prévus quinze ans auparavant, ont été tenus. Si le réseau sécurisé répond aux objectifs du référentiel établi en 2001 pour la résistance au vent, il s’agit maintenant de maintenir le niveau de sécurisation en intégrant de nouveaux éléments : raccordement de nouveaux clients, sécurisation des traversées en fonction de l’évolution du contexte (augmentation de la circulation sur certains axes routiers, étalement urbain…), analyse des événements climatiques présents et à venir… C’est l’objet de la politique de « renforcement mécanique » qui s’applique à partir de 2018. Si les coûts prévus, de l’ordre de 2 à 5 M€/an, sont sans commune mesure avec ceux du programme de sécurisation mécanique, ils devraient permettre de maintenir à un haut niveau de robustesse le réseau sécurisé mécaniquement (RSM).
Le climat sous haute surveillance
GIEC
Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat
Organisme intergouvernemental dont la mission est d’évaluer les informations d’ordres scientifique,
technique et socio-économique nécessaires à une meilleure compréhension des risques liés
au réchauffement climatique d’origine humaine, à une meilleure appréhension des conséquences
possibles de ce changement et à la conception d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation.
La remise en question de la robustesse du réseau de transport d’électricité a eu pour déclencheur un
épisode météorologique exceptionnel : les tempêtes du siècle de 1999. De facto, l’évolution du climat
s’est placée au centre des préoccupations de tenue mécanique des ouvrages de RTE.
Les phénomènes auxquels les ouvrages doivent résister sont tout d’abord le vent, sous toutes ses
formes : tempêtes, rafales descendantes sous orage, tornades… À cet égard, il faut distinguer les
mécanismes de vieillissement des mécanismes d’efforts importants. Les phénomènes qui affaiblissent
les ouvrages sont différents de ceux qui les détruisent : les vents réguliers de faible intensité
font vibrer les conducteurs et créent de la fatigue, la corrosion affaiblit les pylônes… Mais ce
sont les tempêtes qui les cassent. Sur ce chapitre, les prévisions à long terme s’appuient sur les
travaux du GIEC qui n’entrevoit pas de changement majeur en termes d’intensité des vents sur le territoire métropolitain.
Pour la neige collante et le givre, il n’est pas possible aujourd’hui d’effectuer des prédictions
à 20 ou 30 ans. Ces phénomènes dépendent de conditions extrêmement particulières de pression, de
température, d’hygrométrie et de vent. RTE a développé avec un météorologiste norvégien un modèle
d’accrétion de la neige collante, modèle validé par l’analyse du retour d’expérience des événements
passés.
Grâce au partenariat avec MétéoFrance, RTE dispose des données météo sur tout le territoire à une
maille de 1,3 km. Ces données servent entre autres à alimenter l’outil AMELIE (Alerte météo
sur les lignes électriques). Avec AMELIE, RTE peut anticiper jusqu’à 48h le risque d’avarie lié à
la météo, avec un degré de précision variable selon l’échéance. S’il est impossible d’empêcher les
avaries, cette alerte permet de prendre les dispositions minimisant leurs conséquences : mise en
œuvre de moyens particuliers, schémas particuliers d’exploitation, mobilisation des équipes, comme
en témoigne
Serge Blumental, responsable du programme de R&D "gestion des actifs", programme dont la finalité est de
mieux comprendre le comportement des équipements.

« Aujourd’hui responsable du programme de gestion des actifs au sein de la R&D de RTE, Serge
Blumental était en 1999 coordinateur de la téléconduite et des télécoms de sécurité. Il travaillait
alors aux dispositifs de prévention du réseau contre le bug de l’an 2000
*, dispositifs qui se sont révélés d’une grande utilité dans le cadre de l’après-tempêtes.
Il témoigne de la quasi-impossibilité de modéliser l’effet des phénomènes météorologiques
sur les lignes : « Tout calcul de tenue d’un ouvrage repose sur la comparaison d’une
sollicitation, comme le vent, et de la résistance offerte par les matériaux choisis et l’architecture
de l’ouvrage, notions très difficiles à estimer dans le temps. On a essayé de créer un simulateur
de tempêtes : ce fut un échec, car il y a trop de paramètres locaux non-maîtrisables au degré
de précision nécessaire, en raison de l’indisponibilité des données indispensables. C’est
par exemple le cas de la rugosité du sol – c’est-à-dire la présence de relief, de végétation,
de constructions… – pour laquelle la granulométrie des données disponibles est bien trop
importante. Mais ce qu’on a pu faire, c’est une analyse rétrospective des événements climatiques
sur les 50 dernières années et de leurs effets sur le réseau 400 kV. Cette étude a permis
d’estimer que la sécurisation mécanique garantissait une bonne tenue du réseau aux prochains
aléas climatiques, dès lors qu’on faisait bien notre travail en étant attentifs à la qualité
des fondations, à la maintenance du pylône, etc. »
—
Serge Blumental
* RTE, comme nombre d’entreprises à l’époque, s’était préparé au passage informatique à l'an 2000 qui suscitait de sérieuses inquiétudes en raison de la conception du format « date » dans les mémoires des ordinateurs et des conséquences possibles sur les logiciels et matériels informatiques.
à suivre
Fin 2017, RTE a tenu ses engagements. Le réseau haute et très haute tensions est renforcé pour permettre la continuité d’alimentation
face à des vents d’intensité équivalente à celle des tempêtes de 1999, sans préjuger bien sûr
de l’impact d’événements météorologiques d’intensité supérieure, comme des ouragans. Les actions
ont été menées pour maîtriser le risque de chute sur les personnes et les biens, de même que
pour permettre le rétablissement en cinq jours au plus des services de base liés à la continuité
d’alimentation à la suite d’événements climatiques importants.
L’entreprise s’est construite en grande partie autour de cet objectif. La sécurisation mécanique
du réseau a exigé de RTE une capacité à se projeter 15 ans en avant pour formaliser un programme,
la remobilisation des équipes d’ingénierie - à une époque où les activités de conception et de
construction de lignes étaient au plus bas - la reconstitution d’un tissu de fournisseurs, la
montée en compétence et en savoir-faire en interne comme en externe, l’acquisition et la conception
de nouveaux outils de calcul, de reporting et de capitalisation de l'information, la mise en
place d’une organisation de dépannage structurée et éprouvée…
Pour y parvenir, RTE a pu compter sur une dynamique de progrès à l’échelle de toute l’entreprise.
Un capital précieux pour la société présidée par François Brottes, à l’heure où elle s’attache
à s’adapter en permanence à un contexte qui évolue de plus en plus vite et à rendre plus agile
encore le réseau de transport d’électricité. Couplage accru des infrastructures physiques et
numériques à l’aide d’automates, pose de capteurs, systèmes de monitoring, … Il faut garantir
la sûreté de fonctionnement du réseau de transport d'électricité de demain et créer les conditions
de la gestion des actifs dans le futur… L’histoire n’est pas terminée, loin de là…